Deux lieux, deux identités qui ne forment en définitive qu’une seule entité, le tout relié par deux sœurs : Rita et Geralda.

L’un est perché sur une colline dans une rue passante peu éloignée du centre, les voitures se cabossant en cadence : “blam blam” font les moins chanceuses sur le macadam volontairement bosselé par les autorités. C’est l’Hostel Diamantina et ses sobres chambres datant d’une autre époque. Celles-ci portant des doux noms de pierres, hérités du passé de Garimpeiro d’un père, représentatif de toute une région.

L’autre est perdu au milieu des montagnes et des vaches, on cuisine sur le feu de bois, allumé en un clin d’œil pour la bouillie des cochons agrémentée des invendus du marché. On lave les draps, serviettes et autres taies d’oreillers arrivant de l’hôtel, suivant le protocole bien huilé d’une Selma plus que rodée (qui plie aussi les journaux pour fabriquer des sacs poubelle). Antichambre de l’auberge, efficace et nécessaire, invisible et organisée. Pour nous c’est terrasse avec vue, un coucher de soleil dont on ne se lasse pas: -Elles sont pas belles les couleurs du soir ?


Au matin à la Fazenda, Nino sonne les matines, 6h30, c’est parti pour 3 journées en une. Chapatis trop secs, pain grillé ou pain perdu, rien n’est perdu. Après un litron de café made in Minas Gerais et un bib’ de lait, on capinhe la terrasse, on charge le bois du repas du midi, on se ballade, pourquoi pas même jusqu’à la cascade de Trilha Verde. Un petit tour et une cueillette de Maracuja dans la besace, on va dire bonjour aux veaux, vaches, cochons, poules et pigeons. Puis c’est Lucio qu’on s’arrête saluer. L’âme solitaire, l’attirail du cow boy brésilien, jamais sans son chapeau, ses botes et sa chemise rapiécée. Suivi de ses cinq chiens, il s’affaire sur le terrain entre les plantations, les vaches et les canalisations. D’ailleurs, quand la cascade d’eau brûlante jailli en continu de notre salle de bain, heureusement il n’est jamais loin.

A l’Hostel Diamantina, les vacanciers aussi sont levés de bonne heure et Selma s’affaire déjà à la cuisine comme à tout heure, café, lait, pain, viande mijotée, dulce de banane et jus de Maracuja fraichement pressé, c’est l’abondance au petit déjeuner. A peine réveillé qu’on échange trois mots, on fait connaissance et on papote avec en fond sonore les dernières actus à la télé (modèle années 80). Une fois tout le monde parti en excursion il faut briquer, ranger, laver, changer les draps et que ça sente bon jusqu’aux taies d’oreillers. Puis on empaquète les draps et on vide les poubelles et leurs pliages de papier. Parfois une petite pause pour savourer la vue des montagnes sur le balcon et lire les nouvelles dans le journal tout juste rapporté par Salvador. Lunettes à grosses montures vissées sur le nez, les mains sur le combiné quand elles ne sont pas jointes pour une petite prière improvisée. Ami professeur en vacances, bossant pour filer la patte, il sait trouver les bons mots et accueillir à tout moment de la journée.

Feijao quoi qu’il arrive et à toutes les sauces, les haricots rouges qui nourrissent le sol de la Fazenda puis les Hommes... les femmes, les jeunes et les vieux d’ici et de Diamantina. Ils sont triés, semés, désherbés, récoltés, cuisinés, dégustés, du petit déjeuner jusqu’au souper. A la ferme, la cuisine est au grand air, les citronniers et la ferraille à ses côtés. Un four à bois, fait de briques rouges au milieu de bric-à-brac multicolore. A l’auberge, petite cuisine imbriquée entre les quartos, dans 6m² on y trouve 1000 cuillères et casseroles. Chacun-e y va de son grain de sel, y met sa touche de fantaisie et toujours un peu plus de sel, de tempuro, de piment ou même de cachaça!


Vombrissant dans leur pick-up rouge parti de la ville chargé de denrées de draps et de toutes sortes de choses, voici qu’arrive à la Fazenda l’équipe des bosseurs. Aucune heure déterminée, on en cherche encore la logique.

Y’a Nilson l’ancien garimpeiro reconverti fermier à tout faire, balayeur de cour, ou encore laveur de draps. Un grand sourire sincère et le ptit mot sympa, solide comme un roc, le poids des années se fait à peine ressentir.

Y’a Geralda , la professora de capinhar. Petite vieille femme édentée, fine comme mon petit doigt, ayant la force d'au moins trois personnes. Expressive et bienveillante, elle a la transmisson intransigeante.

Y’a Dennis, le jeune de la bande, toujours la petite blague, il soude l’équipe. Grand et sec, spécialiste des réparations des fuites brésiliennes et souvent curieux envers nous, il rêve d’évasion.

Y’a Selma la fourmi, qui cuisine, qui lave, qui court partout. Ton monocorde et visage peu expressif, elle radote un peu et parfois nous fait cadeau d’une illumination de visage, elle a pour mission de nous fournir toujours plus de nourriture (essentiellement des feijão!) pour qu’on ne dépérisse pas.

Équipe dominée par les deux sœurs Avila (Rita et Doña Geralda) peu présentes, mais distillant leurs consignes pour toujours tendre vers l’autosuffisance des deux lieux.


Le soir venu, la ville est toujours en vie. De notre chambre donnant sur la cour, on entend les sirènes, la musique des voisins, les éclats de voix des passants. Mais aussi la télé, les gens qui s’affairent ici et là, on joue aux cartes comme Anicka et Régina. Respectivement amie et cousine de passage, la bonne humeur, l’ouverture et la conversation facile. Allant même jusqu’à pousser la chansonnette pour Nino, et tout ça “graças a Deus”!

A la Fazenda, c’est la nature qui vit. Ça coasse, ça críquète, ça grouille, cancane, fourmille, aboie, crépite, frémit... et pourtant c’est plus calme que n’importe où ailleurs.


C’est fini, nous voici reparti vers un nouvel horizon, un nouveau cocon, une nouvelle région. Une soirée musicale sous les halles du marché et des pizzas maison pour conclure cette quinzaine intense, dense, éprouvante et relaxante.

Boa Noite et vai com Deus!