En arrivant en bus par des voies d’autoroutes emmêlées, Rio est grise, polluée, noire de monde, les camions frôlent les vendeurs d’agua gelada postés aux couloirs d’insertion. Rio est bruyante, assourdissante, assommante, toute de béton vêtue, parée de panneaux publicitaires criards.


On descend du métro a Gloria pour rejoindre l’auberge en traversant le quartier de Lapa. Rio y est colorée, fruitée, bariolée. S’étalent au sol les babioles des vendeurs d’objets trouvés, s’amassent en tas les plastiques bleus, gris, noirs, les gobelets, les canettes, les papiers, les cartons, les métaux qui coupent, qui glissent, qui brillent, dans lesquels farfouillent pieds nus les recycleurs des rues, sac poubelle sur le dos.


Ici Rio est pleine de vie et pleine de cette chaleur poussiéreuse et accablante. Cette chaleur qui étourdie comme une masse les jeunes et moins jeunes fatigués, abîmés, drogués, souillés par la vie, qui vivent ici de jour comme de nuit sur des cartons, à côté des poubelles, au milieu de la cohue imperturbable.


Le soir a Lapa, Rio est joyeuse, fêtarde et dévergondée. Farandole de pop, samba, forro, jazz, disco, aux saveurs de bières et de cachaca. Et la nuit plus encore, Rio, injuste et violente, est observée, surveillée, traquée par la police fédérale ou militaire dans 1,2,3,4,5 voitures tous gyrophares allumés.


Changement de décor, a Santa Teresa, Rio est soignée, lissée, propre et bien rangée. Tout y est refait et surfait, n’attirant plus que les riches, les bobos, les promeneurs endimanchés et les touristes d’ici et d’ailleurs. On y trouve des rues pavées, des boutiques d’artisanat et des bars bien ordonnés avec des fauteuils en bambou.


Plus éloignées du centre, sur les plages de Copacabana et d’Ipanema, Rio s’amuse, crie, court ou farniente, papote et se repose sous un parasol. Tout le monde est au rendez-vous et les corps sculptés, tatoués, transformés qui s’exposent en bikini ou torse nu, buvant du guarana ou de l’eau de coco, tongs aux pieds sur le sable brûlant. L’étendue de la plage est saisissante et côtoie les immeubles imbriqués les uns dans les autres, obstruant la vue des collines et des favelas.

Quand nos regards se portent plus haut, il ne reste plus que les montagnes feuillues, le pain de sucre et le Corcovado.


Dans nos esprits, Rio reste immense et multiple, fascinante et révoltante, aussi attachante que rebutante.